jeudi 26 août 2021

Invitation à dire

 Je vous propose ici un long extrait d'un article de la psychologue Elodie Gilliot et du sociologue Vincent Tremblay, paru dans Rhizome en 2021, qui a pour titre "Soutenir la santé mentale par l'écoute". Ces auteurs expriment remarquablement bien tout l'intérêt d'"aller parler à quelqu'un" (dont c'est le métier).

J'ai surligné en gras les parties les plus importantes à mon sens.

"Les invitations à dire (soutenues par le cadre et l’écoute) et à clarifier ou préciser les incompréhensions, les questionnements, les souffrances, les difficultés ou encore les souhaits, désirs et volontés (soutenues par les marqueurs d’intérêt) semblent permettre à la personne concernée de se construire et de se représenter, a minima, ce qui l’a conduit à solliciter une aide, une écoute, professionnelle ou extérieure. La représentation de ce qui est vécu comme une difficulté va permettre à certains individus de la circonscrire. Cela peut avoir pour effet bénéfique de rendre ce problème moins envahissant. Trouver, auprès de l’écoutant, une manière de formuler sa souffrance ou ses difficultés conduit en effet à les situer plus précisément et à leur restaurer une place potentiellement plus ajustée, sans que celles-ci prennent le pas sur l’ensemble de ce que la personne est et vit.

8Exprimer ses difficultés auprès d’un Autre qui écoute peut permettre à la personne de les contextualiser. Cela participe en effet à construire ou restaurer une forme de compréhension de ces difficultés, notamment de leurs origines. L’effort réalisé par l’écouté pour être compris de l’écoutant est mis au service d’une fabrication de sens. (Ré)inscrire les difficultés dans leur contexte d’apparition et leur découvrir une ou des raisons d’être peut contribuer à les normaliser, à les rendre moins étranges voire à les accepter ou leur donner du sens. Si cela ne permet pas en soi de dépasser les souffrances, celles-ci peuvent laisser place à un ressenti plus supportable et moins épuisant pour le sujet, libérant alors potentiellement une énergie ou une disponibilité pouvant être, dès lors, mises au service du cheminement vers le mieux-être.

9Verbaliser sa souffrance — soutenue par l’analyse de la demande ici décryptée dans ses effets — apparaît particulièrement utile pour ceux dont le ressenti initial d’angoisse, d’inquiétude ou de souffrance est diffus, labile, insaisissable et, en cela, bien souvent indicible. La formulation de cette souffrance, même si elle est balbutiante ou laborieuse, va alors permettre de rendre peu à peu ce vécu plus consistant, « palpable », donc a fortiori plus facilement partageable et pourquoi pas, là aussi, plus circonscrit, contextualisé et compréhensible.

10Le temps consacré au « dire et faire dire [6][6]Blanchet, A. (2015). Dire et faire dire. L’entretien (2e éd.).… » est considéré comme essentiel pour que celle-ci puisse s’exprimer de manière plus consciente, au sens de plus maîtrisée. Il n’est pas rare, en effet, d’envisager que dans ce cadre le corps prenne le relais pour exprimer somatiquement ce qui n’a pu se dire autrement."

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