lundi 5 mars 2018

Colloque du CERAS 64 le samedi 23 juin, inscrivez vous !


Une situation cueillie sur le net

Une maman inquiète se confie à un réseau social. Elle partage sa situation et fini en disant "je suis preneuse de tous les conseils". De quoi s'agit-il ? Son fils de 9 ans après avoir vu une vidéo avec des poupées qui tuent des gens sur Youtube, elle précise : chez ses beaux-parents, a des importantes difficultés d'endormissement. Cela fait 4 mois que ça dure. Les parents ont cherché des solutions auprès du médecin traitant, d'une psychologue, d'un ostéopathe énergéticien, d'un magnétiseur. Mais le problème persiste. Ils l'ont mis à dormir dans la chambre de sa petite soeur, ont retiré les poupées et les peluches, et font ensemble de la méditation tous les soirs. Mais le garçon continue de se réveiller une nuit sur deux. A l'école, pas de soucis.

Les parents internautes réagissent alors, compatissent et donnent les conseils demandés : de l'homéopathie, une consultation de kinésiologie, des exercices de relaxation, des vidéos à regarder sur  les coulisses des films d'horreur (pour montrer que c'est du faux), de prier Dieu, de l'EMDR... Les propositions fourmillent.

J'ai posté moi aussi comment j'appréhenderais cette situation en tant que thérapeute familiale. "Bonjour Madame, et déjà bravo pour votre mobilisation pour votre fils. Dans une situation comme la votre, je me demanderais quelle fonction a le symptôme. "A quoi ça sert" ? "à qui ça sert ?" d'avoir un tel problème ? Est-ce que ça change quelque chose dans les relations au sein de la famille ? Est-ce que ça rapproche ? Est-ce que ça éloigne ? Est-ce que ça fait passer d'autres problématiques au second plan ? ... Et puis, qui souffre ? 
Dans un deuxième mouvement, je m'interrogerais sur l'histoire familiale. Votre fils est l'héritier des ressources de la famille de son papa et de sa maman... mais aussi des "vécus traumatiques".
Bref, une approche où l'enfant n'est pas vu seul en consultation, mais avec sa famille, toute entière mobilisée par le symptôme."

Madame m'a répondu "merci" et semble être passée aux conseils qui suivent et qui continuent d'arriver.

Si je partage ici cette situation, c'est qu'elle permet de bien illustrer l'approche de la thérapie systémique.
La question "qui souffre ?" peut paraître curieuse. N'ai je pas bien lu ? C'est le garçon qui souffre ! Pas si sûr. Le garçon porte le symptôme (il ne dort pas bien). Mais n'est-ce pas la mère qui souffre de voir son fils mal dormir ? ou le couple conjugal de ne plus avoir une nuit sereine ? ou le père parce que c'est arrivé chez ses parents ? ou la petite soeur de ne plus avoir ses doudous ?
Les hypothèses sont nombreuses.
Qui allègue la demande ? Ce n'est pas l'enfant. Madame précise dans son exposé : "mon fils ne veut rien dire à la psychologue, il veut juste retrouver le sommeil". C'est la mère qui demande de l'aide à l'extérieur. Aux soignants référents ... comme "à la terre entière". Ce n'est pas anodin de faire cet appel collectif, qu'est ce que ça dit de cette maman ? de son ressenti face au problème ? de cette famille ? Bref, en tout cas, c'est le psychiatre Robert Neuburger qui a bien résumé cela : s'il y a des réponses différentes aux trois questions (qui porte le symptôme ? qui souffre ? qui allègue la demande ?) c'est probablement qu'une approche familiale est indiquée. 

Je ne peux pas m'empêcher de me poser la question : quelles sont les bonnes raisons pour que ça ne change pas ? Si le symptôme (les nuits agitées) constitue une solution et non pas un problème, le pauvre garçon n'a pas d'autres choix que de continuer à se "sacrifier" pour la famille en ne dormant pas. 

Souhaitons à ces parents de trouver la meilleure voie possible pour l'apaisement de leur enfant, qu'il puisse retourner à sa vie d'enfant, tournée vers le jeu et les apprentissages, et pour lesquels il faut bien dormir ! Peut-être que la suite sera aussi racontée sur la toile.

Un pont entre un avant et un après... mais pas encore achevé